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Les cristalliers des Alpes françaises : reportage

16 Août 2021 | Par Eiman Cazé Montagnes-Magazine | Découvertes minéraux

Les cristalliers des Alpes françaises : reportage

2 août 2021 à 08:00
, par Eiman Cazé
 

Cristaux de roche (1/2 et 2/2) : une nouvelle ruée vers l’or qui fait craindre un pillage de la montagne

Dans le massif du Mont-Blanc, les cristalliers risquent leur vie pour trouver quartz, fluorine et autres cristaux de roche. Attirés par le gros lot, ils sont de plus en plus nombreux à se lancer dans cette activité ancestrale. Un engouement qui déplaît à la mairie de Chamonix, déterminée à durcir la réglementation au nom de la protection du patrimoine.
Sous le sommet des Droites
Sous le sommet des Droites, Laurent Leroy admire un cristal de quartz fumé. © Christophe Perray
 
À 2 000 mètres d’altitude, sur la face sud des Droites, dans le massif du Mont-Blanc, Christophe Perray, casque rouge vissé sur la tête et armé de sa pelle en plastique peine à déneiger l’entrée de la cavité. Derrière ce mur de neige, se cache un véritable trésor des montagnes : des pierres de cristal de roche. Les beaux jours revenus, la neige ayant fondu, voilà maintenant plusieurs semaines que les cristalliers comme Christophe Perray sont revenus arpenter la montagne à la recherche des pierres du Mont-Blanc. Épidote, brookite, azurite, quartz, fluorine... le massif renferme une grande diversité de cristaux de roche dissimulés en nombre dans les fentes des parois.
 
 

Le quartz vrillé et la fluorine sont les plus rares

 
Vieilles de 5 à 25 millions d’années selon les spécimens, ces merveilles sont de couleurs très diverses. La fluorine ou fluorite peut être plus ou moins rose ou rouge, le quartz, minéral le plus répandu du massif peut être blanc, teinte la plus commune, ou de plus en plus sombre (fumé), jusqu’au noir total (le rare quartz morion). 
 
À côté du prisme hexagonal surmonté d’une pointe, forme de cristal la plus connue, une large variété de formes et de tailles existe. Le quartz, par exemple, peut-être plat avec un axe en hélice : on parle alors de quartz vrillé ou gwindel selon le terme anglo-saxon. Parce qu’ils ne sont présents quasi exclusivement dans les Alpes, le quartz vrillé et la fluorine sont des pièces rares et très recherchées par les collectionneurs.
 
 

Roger Fournier, grande figure parmi les cristalliers

 
Cette richesse qu’offre le massif du Mont-Blanc a fait de Chamonix un des hauts lieux de la minéralogie dans le monde. Déjà au XVIIe siècle, des cristalliers s’aventurent en montagne pour descendre ces pierres précieuses dans la vallée et les revendre aux touristes anglais. Une activité qui va perdurer à Chamonix jusqu’à la moitié du XXe siècle, période pendant laquelle la ville voit quasiment disparaître l’activité.
 
« À Chamonix, la plupart des cristalliers sont de bons grimpeurs et de bons alpinistes, passionnés surtout de montagne. »

Christophe Perray, cristallier
 
Il faut attendre la fin des années 1960 pour voir la pratique reprendre sous l’impulsion de plusieurs guides de haute montagne, dont Roger Fournier. Bon alpiniste, il fera de remarquables découvertes dans des fours jusque-là inaccessibles. Il meurt en 1976 suite à un accident dans le massif des Aravis, au-dessus du Grand Bornand. Son fils, Éric Fournier, lui aussi cristallier, est aujourd’hui maire de la ville de Chamonix, où existent encore aujourd’hui une cinquantaine de prospecteurs qui, chaque année, partent à l’assaut de la montagne entre juin et septembre.
 
 

La fonte du permafrost rend l’activité de plus en plus dangereuse

 
Si chacun a sa propre technique de prospection, tous ont en commun une excellente connaissance de la montagne. Il n'est pas rare que les cristalliers soient des guides de haute montagne tombés un jour par hasard sur un four. « À Chamonix, la plupart des cristalliers sont de bons grimpeurs et de bons alpinistes, passionnés surtout de montagne », observe Christophe Perray, Vallorcin de 67 ans et ethnologue à la retraite. Il faut dire que l'activité est risquée. Les cristaux se trouvent le plus souvent dans des zones de montagne fissurées où la montagne se délite et où les chutes de pierres sont fréquentes.
 
Christophe Perray escalade l'aiguille du Jardin pour rejoindre un four de quartz fumé
       Christophe Perray escalade l'aiguille du Jardin pour rejoindre un four de quartz fumé et de fluorine rose.
© Simon Elias
 
Jean-Franck Charlet, avec René Ghilini, ont été les premiers à s’aventurer dans certaines zones du massif, notamment la face nord des Droites. « On va chercher des cristaux en plein été, période où la montagne est désertée par les alpinistes. Elle est tellement sèche que le rocher est très instable et les risques d’effondrement très élevés. », détaille Jean-Franck Charlet. Ce Chamoniard issu d’une famille de cristalliers depuis des générations sait de quoi il parle. En 1983, le guide de haute montagne et son cousin George Bettembourg emmènent deux de leurs meilleurs clients chercher des cristaux sur la face nord de l’aiguille Verte. Sous ses yeux, son cousin et un des deux clients décèdent, emportés par un éboulement. 
 
« Pour les trouver, il faut observer les faces à la jumelle et repérer les filons de quartz qui contrastent avec le granite. »

Jean-Franck Charlet, cristallier
 
Si le danger a toujours existé, il est aujourd’hui accentué par le réchauffement climatique. Le dégel du permafrost fragilise davantage la roche, multipliant les chutes de pierres. Des risques que sont prêts à prendre les cristalliers comme Christophe Perray, qui n’hésite pas à bivouaquer 3 à 6 jours au cœur de la montagne. « On est un peu des vagabonds ou des gosses à la recherche de trésors », s’amuse-t-il.
 
 

« Ce n’est pas un travail de forçat, tout se fait tout en douceur »

 
Ce qu’il recherche, ce sont ces fours, ces fentes dans le granite qui abritent les cristaux. « Pour les trouver, il faut observer les faces à la jumelle et repérer les filons de quartz qui contrastent avec le granite », explique Jean-Franck Charlet. Une fois le four repéré, les cristalliers s’affairent à dégeler l’entrée de la cavité à l’aide de petites lampes à souder, de petits radiateurs ou même parfois de sel.
 
Afin d’éviter d’abîmer les pièces, des outils délicats comme des râteaux en plastique pour enfants ou des aiguilles à tricoter sont utilisés pour gratter la terre. « Ce n’est pas un travail de forçat, tout se fait tout en douceur », confie Christophe Perray. Une fois les pièces dégagées du four, elles sont enroulées dans du papier journal ou à bulles pour le voyage jusqu’en bas.
 
 

Le code d’honneur des cristalliers 

 
L’usage par les cristalliers d'explosifs, de machines et de l’hélicoptère est formellement interdit. Une circulaire ministérielle de 1996, formulée par Michel Barnier, alors ministre de l'environnement, autorise la prospection et la cueillette de minéraux seulement par des techniques de recherche traditionnelles. 
 
En 2008, la municipalité de Chamonix, propriétaire du dessus et du dessous du massif du Mont-Blanc, publie un arrêté établissant un code d'honneur des cristalliers. En plus de reprendre les obligations formulées par la circulaire, ce texte élaboré par le Club de minéralogie de Chamonix précise un certain nombre d’obligations. 
 
Une fois descendus de la montagne, les cristaux sont divisés en lots
Une fois descendus de la montagne, les cristaux sont divisés en lots équitables et attribués aux cristalliers par              tirage au sort. © Eiman Cazé
 
En fin de saison (15 décembre), les cristalliers doivent présenter leur découverte à la mairie et en cas de vente d’une pièce majeure, lui formuler une offre en priorité. Avant de partir en montagne, les prospecteurs doivent se déclarer en mairie et s’engager à respecter les engagements du code d’honneur. En 2020, ils étaient 60 à 70 personnes à se présenter à la mairie de Chamonix. Un chiffre en augmentation depuis une quinzaine d’années selon Christophe Perray : « il y a 30 ans, on était seulement 10 cristalliers. Cela a augmenté avec le réchauffement climatique ».
 
 

Même les néophytes en profitent

 
En effet, avec le dégel de la montagne, de plus en plus de fours jusque-là dissimulés par la neige ou la glace sont mis au jour, offrant davantage de possibilité de découvertes aux cristalliers expérimentés, voire même aux néophytes mettant la main sur des fissures faciles d’accès. Jean-Franck Charlet se souvient qu’il y a 4 ans, deux jeunes d’Annecy, non-alpinistes et débutants dans la recherche de cristaux, font une formidable découverte (plusieurs quartz vrillés et des bâtons en tourmaline noir) au pied du glacier d’Argentière, à quelques mètres seulement en contre-bas de la moraine.
 
les cristaux sont très souvent en vrac et mélangés à la terre
Dans les cavités, les cristaux sont très souvent en vrac et mélangés à la terre. © Christophe Perray
 
Mais c'est en 2003, qu'est réalisée la plus grande trouvaille du massif. Christophe Lelièvre, jeune gardien du refuge de la Charpoua au pied des Drus, met la main sur la moitié des fluorines jamais trouvées dans le massif du Mont-Blanc dans un four situé à la base de la pointe de l’Évêque. « Un mois avant, j’étais venu prospecter le secteur sans rien voir car la zone était encore recouverte de neige. C’est la fonte qui a mis au jour le four », rigole Jean-Franck Charlet.
 
 

Le mythe de la ruée vers l’or

 
Cet engouement pour la recherche de cristaux s’est aussi développé par la grande découverte de Christophe Perray en 2006 dans l’aiguille Verte du massif du Mont-Blanc : une fluorine rouge de 5,1 kg surnommée Fluorite Laurent en hommage à Laurent Châtel, un ami cristallier disparu en montagne en 2005. La pierre, classée « bien culturel d'intérêt patrimonial majeur », sera vendue  250 000 euros au ministère de la Culture. Financée à 85% par la fondation Total, elle est aujourd’hui exposée au Muséum national d’Histoire naturelle.
 
Célebre spécimen typique du massif du Mont-Blanc
Cette pierre d’une grande rareté associe deux spécimens typiques du massif du Mont-Blanc : le quartz fumé et la fluorite rouge.
 
« Beaucoup de jeunes à l’époque s'étaient dit qu’il pourrait trouver des cristaux à ce prix là et que la fortune était au bout de leurs pieds. Il y a eu une émulation complètement folle », témoigne Jean-Franck Charlet. 
 
Charles Dunant, 30 ans, fait partie de ces jeunes qui se sont lancés récemment dans l’aventure des cristaux de roche. « J’y suis allé pour la première fois avec un ami en 2010. Avant ça, je n’étais jamais allé au-dessus de 2 500 m, je ne connaissais pas la haute montagne. Je faisais vaguement un peu d’escalade, rien de plus. », explique celui qui au départ ne prospectait qu’occasionnellement. C’est en 2017, après une jolie découverte qu’il a commencé à chercher plus sérieusement et à vendre ses cristaux. Pour autant, le jeune cristallier assure ne pas avoir trouvé la fortune au bout de ses pieds : « On ne gagne pas d’argent, ce que l’on vend nous permet tout juste de payer le matériel pour prospecter l’année d’après ».
 
plafond du four en quartz fumé qui a été extrait pour faire de la place
Bassin de Talèfre, plafond du four en quartz fumé qui a été extrait pour faire de la place. © Charles Dunant 
 
Beaucoup des débutants qui se sont aventurés dans la recherche ont arrêté assez vite. 
« Ceux qui pensent qu’ils vont gagner beaucoup d’argent se trompent. C’est dur car trop aléatoire. On peut chercher trois semaines sans rien trouver. Il faut avant tout apprécier ce style de vie un peu sauvage, aimer l’alpinisme et la minéralogie. », explique Christophe Perray.
 
 

« On ne peut pas accepter que toute l’Europe viennent exploiter le cristal dans le Mont-Blanc »

 
Du côté de la mairie de Chamonix, on regrette que la recherche de cristaux se soit transformée en ruée vers l’or dans le massif. « Depuis quelques années, la publicité aux allures de miroir aux alouettes, relayée par certains médias ou certains cristalliers qui montrent leur trouvaille sur Facebook, laisse penser qu’aller chercher des cristaux, c’est le jackpot », s’insurge Éric Fournier, le maire de Chamonix. Et d’ajouter : « depuis 4 ou 5 ans, de nouvelles personnes qui n’ont rien à faire en montagne, cherchent des cristaux. Il faut dire stop ! Ils squattent un refuge pendant une semaine, travaillent au même endroit selon des modalités qui relèvent plus de l’exploitation minière que de l’alpinisme ».
 
 
dégager le four où ils trouveront les plus belles fluorines rouges du massif
Christophe Perray au fond, aidé de Geoffray Clin et de Laurent Leroy derrière l'objectif s'active à dégager le four où ils trouveront les plus belles fluorines rouges du massif. © Laurent Leroy
 
Selon Éric Fournier, il y a quelques années, trois jeunes travailleurs dans le bâtiment, venus de pays d'Europe de l’Est, sont venus en mairie pour obtenir une autorisation de prospection. Ils auraient dit à l'accueil : « we want to dig » (« on veut creuser », en français). « On ne peut pas accepter que toute l’Europe viennent exploiter le cristal dans le Mont-Blanc », s’insurge le maire. 
 
Une crainte infondée selon Christophe Perray : « Une fois par an je vois deux ou trois Polonais, ou Tchèques mais ils ne connaissent pas la région et ne trouvent pas grand-chose ». 
 
« On peut imaginer une sorte de sélection sous forme de numerus clausus. » 

Éric Fournier, maire de Chamonix
 
Dans le but de limiter le nombre jugé trop important de cristalliers et de mieux contrôler leur profil, la mairie travaille avec la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) pour mettre en place un nouveau système. « On peut imaginer une sorte de sélection sous forme de numerus clausus, une obligation de suivre une formation voire de donner la priorité aux habitants de Chamonix et ses environs », détaille Éric Fournier. Un encadrement délicat à mettre en place dans cet espace où la liberté est une valeur fondamentale.
 
Selon Christophe Perray, cette mesure n’est pas nécessaire. « Le nombre de cristalliers se régule tout seul. Certains s’y sont mis avec le réchauffement climatique mais beaucoup ne trouvent rien et arrêtent. On n’est qu’une poignée d’acharnés qui prospectent depuis des décennies et qui n'arrêteront jamais. »
 
 
deux cristalliers Jean-Franck Charlet et René Ghilini découvrent un four de quartz fumé sur la pointe Kurz.
En 1995, les deux cristalliers Jean-Franck Charlet et René Ghilini découvrent un four de quartz fumé sur la pointe Kurz.

 

Bibliographie

  • Le Règne minéral, Minéralogie du Massif du Mont-Blanc, 1999, hors série, Monistrol-sur-Loire: Edition du Piat, 80 p.

  • Le Règne minéral, Collectionneurs et Minéraux de France, 2011, hors série, Monistrol-sur-Loire: Edition du Piat, 148 p.

  • Merveilleux Minéraux, des musées de Chamonix-Mont-Blanc et du Bourg-d’Oisans, 2018, Monistrol-sur-Loire: Edition du Piat, 152 p.
 

SUITE DU REPORTAGE

 

Cristaux de roche (2/2) : un patrimoine naturel menacé par une guerre des prix entre collectionneurs

À Chamonix, véritable capitale de la minéralogie située au pied du massif du Mont-Blanc, ils sont nombreux à collectionner les pierres de cristal de roche. Ces pièces d’exception, dénichées par les cristalliers, font depuis plusieurs années l’objet d’une vive spéculation. Un phénomène qui entraîne la fuite des pièces d’exception à l’étranger et remet en cause la légalité d’une pratique ancestrale.
 
Pierre Bavuz entre au club de minéralogie dans les années 90
Passionné des pierres depuis l’âge de 7 ans, Pierre Bavuz entre au club de minéralogie dans les années 90 avant d’en devenir le président en 2003. © Eiman Cazé
 
« Ça, c'est un quartz vrillé avec hématite, là-bas, un quartz fumé et vrillé ensemble, plus loin, une fluorine rouge ». Le nez collé à la vitrine, Pierre Bavuz est toujours autant émerveillé devant sa collection de cristaux de roche. Environ 400 spécimens sont exposés dans le sous-sol de sa maison secondaire à Chamonix.
 
Depuis les années 80, le président du club de minéralogie de la ville collectionne sérieusement les pierres, en particulier celles des massifs alpins. « J’essaye de rassembler tout ce qui est possible d’avoir dans des zones données, comme le massif du Mont-Blanc. C’est incroyable de constater toute cette diversité au même endroit », se réjouit celui qui possède au total plus de 2500 cristaux.
 
 

Un trésor vieux de 25 millions d’années

 
Dans le monde de la minéralogie, il existe plusieurs types de collections. Certains recherchent par famille : le cuivre, le plomb, l’antimoine ou le quartz par exemple ; d’autres par zones géographiques : à l’étranger, dans les mines ou en montagne. 
 
Parmi les collectionneurs, il y a ceux qui s’intéressent à l’aspect scientifique de la minéralogie. Denis Boël, 67 ans, collectionneur depuis 50 ans et membre du club, a suivi des cours de chimie et de cristallographie en candidat libre à l’université. Quant à Pierre Bavuz, autodidacte, il lit régulièrement Le Règne Minéral, une revue spécialisée bimestrielle. Il faut dire que l’histoire de la formation de ces cristaux relève à la fois de la chimie et de la géologie. 
 
Un octaedre de fluorine rose sur calcite
Un octaedre de fluorine rose sur calcite, provenant de la pointe Kurz. © Eiman Cazé
 
Dans le massif du Mont-Blanc, les premiers spécimens sont apparus il y a 25 millions d’années. La pression produite par le mouvement des plaques africaines et européennes ont formé des cavités dans la roche où s’est infiltré de l’eau qui, sous la forte pression et les hautes températures ont dissout le silicium du granite. C’est une fois que les températures et la pression sont descendues que l’eau s’est cristallisée, formant ces pierres de cristal de roche si convoitées.
 
 

Les cristaux de roche, au cœur de l’histoire chamoniarde

 
Si la minéralogie est une passion qui se pratique dans toute la France, le Mont-Blanc est une zone de choix par la quantité et la qualité des cristaux qu’on y trouve. La fluorine, de couleur rose ou rouge vive ou le quartz vrillé (gwindel pour le terme anglo-saxon) qui prend la forme d’un peigne sont les plus recherchés dans le massif, seul zone au monde où on peut les trouver avec l’Oural polaire. 
 
 
forme si particulière du quartz vrillé est le symptômatique des Alpes françaises
Cette forme si particulière du quartz vrillé est le symptôme d’une croissance anormale de la pierre dû à des facteurs encore inconnus. © Eiman Cazé
 
 
Plus bas, dans la vallée, Chamonix est une ville dont l’histoire est intimement liée à celle des cristaux de roche. Dès le XVIIe siècle, des cristalliers s’aventurent en montagne pour descendre ces pierres de la montagne et les revendre aux touristes anglais. Aujourd’hui, l’intérêt pour les cristaux est toujours aussi vif dans la ville où le maire n’est autre qu’Éric Fournier, le fils de Roger Fournier, célèbre cristallier dans les années 60.
 
 

1450 pièces exposées dans le nouveau musée de minéralogie 

 
Voilà maintenant 30 ans que Pierre Bavuz est à la tête du club de minéralogie de Chamonix et des Alpes du Nord. Créée en 1966 par de jeunes cristalliers, l'association compte aujourd'hui environ 200 membres répartis dans le monde entier. C’est le club qui est chargé par convention avec la mairie de Chamonix de la gestion du musée de minéralogie de la ville et de ses 480 pièces. Un lieu actuellement en travaux depuis 2018 pour agrandissement. À sa réouverture, il devrait tripler de taille pour s'étaler sur 700m2, où seront exposés environ 1450 pièces. Une extension significative rendue possible grâce au don de Michel Jouty. Ce riche commerçant de Chamonix et collectionneur a légué à sa mort 1300 pièces et fait don d’un million d’euros à la mairie pour le musée.
 
Denis Boël, chargé de l’aménagement du nouveau musée, se félicite : « Le musée de Chamonix devrait être le plus grand de France en termes de pièces exposées, devant celui de l'École des Mines à Paris ou du Muséum d’Histoire naturelle ». Dans les vitrines seront présentées les pièces du club et de la mairie qui achètent régulièrement des pierres aux cristalliers.
 
 

De plus en plus de Chinois dans les bourses à minéraux

 
À Chamonix, la vente de cristaux s'organise autour d’une bourse aux minéraux organisée par le club en août. Une cinquantaine d’exposants venus du monde entier présentent leurs cristaux aux 1500 visiteurs présents en moyenne chaque année. En octobre, une seconde bourse se tient où seule une vingtaine d’exposants, membres du club, sont autorisés à vendre. Seules leurs trouvailles, des minéraux alpins, sont exposés.
 
Dans les allées des bourses, Français, Suisses, Allemands, Italiens et Américains où la minéralogie est très développée, forment la cohorte de clients habituels. Mais depuis quelques années, il n’est pas rare de croiser des citoyens de pays du Golfe, voire même des Chinois. « Depuis qu’ils ont trouvé des cristaux dans leurs mines, ils s’intéressent de plus en plus à la minéralogie », explique Jean-Franck Charlet.
 
 

Folie des prix : une pierre à 250 000 euros

 
Régulièrement, des cristaux d’exception partent à l’étranger, là où certains sont prêts à dépenser des fortunes pour ces merveilles. « Depuis que j’ai commencé à chercher les cristaux, les prix des pièces d’exception ont été multipliés par dix environ », souligne Jean-Franck Charlet qui ajoute que chaque année environ, 4 ou 5 pièces sont vendues pour un prix au-dessus de 15 000 euros. 
 
Certaines pierres peuvent atteindre des prix impressionnants, c’est le cas notamment de la pierre Laurent, une fluorine rouge sur quartz fumée découverte par Christophe Perray et vendue au Ministère de la culture au prix de 250 000 euros. La seule pierre classée « bien culturel d'intérêt patrimonial majeur » est aujourd’hui exposée au Muséum national d’Histoire naturelle.
 
 
fluorine Laurent en hommage à son ami cristallier Laurent Chatel
Christophe Perray a surnommé cette fluorine Laurent en hommage à son ami cristallier Laurent Chatel, victime d’une chute en montagne en août 2005 alors qu’il cherchait des cristaux.
 
 
Une envolée des prix qui s’expliquerait par la médiatisation de la recherche des pierres précieuses et de l’engouement que suscite les cristaux de roche sur internet et les réseaux sociaux. « Le nombre d’acheteurs a beaucoup augmenté, ce qui a accentué la concurrence et fait monter les prix », tient à remarquer Denis Boël. 
 
« Il faut comprendre qu’il n’y pas de gamme de prix fixe, c’est le système de l’offre et de la demande. Les prix montent jusqu'au montant qu’un acheteur est prêt à mettre », explique Pierre Bavuz. Et d’ajouter : « Certaines transactions faites à des prix complètement fous ont poussé les cristalliers à faire des propositions complètement folles ».
 
 

« Faut pas nous prendre pour des Américains »

 
Du côté de la mairie qui achète régulièrement des pierres pour le musée, on regrette cette tendance de surévaluation des prix. « Faut pas nous prendre pour des Américains ! Depuis quelques années, on a eu des propositions de prix indécents », s’insurge Éric Fournier, le maire qui cite Laurent en exemple. « 250 000 euros !  Cette pierre ne valait pas ce prix. C’est pourquoi nous ne l’avons pas achetée. »
 
Christophe Perray dément cette version et invoque des pressions faites auprès de la municipalité. « La mairie avait trouvé des sponsors mais il y a eu des collectionneurs, des gens de la vallée, de la mairie, ou d’autres cristalliers qui auraient fait pression pour que la transaction ne se fasse pas ».
 
Quartz vrillé et hématite collection française
Quartz vrillé et hématite. © Eiman Cazé
 
Difficile de connaître les recettes exactes des cristalliers : la plupart sont discrets sur les prix de ventes de leurs cristaux et leurs revenus en général. « Un cristallier bien affûté gagne environ l’équivalent d’une saison d’un guide », confie Jean-Franck Charlet. Si certains déclarent leurs ventes, d’autres préfèrent travailler au noir et rester discret sur leur activité. « Je suis étonné que le fisc n’ait jamais mis son nez dedans, ça ne durera pas ! », s’exclame Pierre Bavuz. Pour Christophe Perray, cette pudeur autour du revenu n’a rien de spécifique à l’activité de cristallier. « Il y a quelque chose de français à ne pas dire combien on gagne et de ne pas s’étendre sur l’aspect financier ».
 
 

Les cristalliers ont l’obligation de déclarer leur trouvaille à la mairie

 
D’autres cristalliers encore moins scrupuleux souhaitent rester dans l’anonymat par peur d’être attrapés pour leur non-respect de la réglementation de la municipalité. C’est elle qui est propriétaire du sol du massif du Mont-Blanc. À ce titre, elle a formulé en 2008, par arrêté, un code d’honneur que tous les cristalliers se doivent de respecter s’ils souhaitent prospecter sur le massif. Ce texte oblige entre autres les cristalliers à se déclarer auprès de la municipalité et à présenter leurs trouvailles à chaque fin de saison. La ville se réserve alors le droit de négocier l’achat en priorité des plus belles pièces, pour des raisons de préservation du patrimoine. 
 
Épidote sur quartz amorphe collection retrouvé sur l'arête Charlet-Straton
Épidote sur quartz amorphe retrouvé sur l'arête Charlet-Straton de l'aiguille d'Argentière. © Eiman Cazé
 
« Certains cristalliers ne jouent pas le jeu et ne déclarent pas leurs trouvailles, préférant les vendre à l’étranger à des prix plus élevés que ce que propose la municipalité. C’est le jeu du chat et de la souris », soupire Denis Boël. Une situation que regrette profondément Éric Fournier : « Quand on fait une belle trouvaille, il me semble de bon ton que l’une des pièces majeures trouvées soient réservées à la collectivité. Ça fait partie des usages. ».
 
De son côté, Pierre Bavuz observe une amélioration des pratiques depuis une dizaine d’années. « Au début des années 2000, il n’y avait pas de don, tout partait à l’étranger dans la poche de collectionneurs américains. Aujourd’hui c’est un peu mieux, on a de plus en plus de retour de la part des cristalliers. Ce n'est pas encore l’idéal mais c’est mieux », lâche le président tout en sortant d’un carton un quartz améthysé, offert par les cristalliers Jonathan Charlet et Stéphane Dan à la mairie. 
 
« La mairie achète nos pierres deux à trois fois le prix en dessous du prix du marché mais je peux les voir quand je veux et j’ai le prestige d’avoir mes pièces exposées là-bas », remarque Jean-Franck Charlet.
 
 

Une autorisation en sursis 

 
Quant à ceux qui ne souhaitent pas jouer le jeu, ils risquent de se voir interdire 
la prospection dans le massif du Mont-Blanc, comme c’est arrivé à un cristallier suisse il y a 3 ans. Pour Éric Fournier, le respect du règlement est primordial pour contrecarrer la frénésie des prix abusifs, nocifs pour le patrimoine. « Ceux qui sont prêts à mettre les grosses sommes sont les collectionneurs privés, pas les collectivités, et donc il y a le risque que des pièces d’exceptions quittent le patrimoine national pour l’étranger ». 
 
Le document administratif de 1996, qui autorise la cueillette de cristaux dans le massif du Mont-Blanc, est une circulaire ministérielle. Un texte qui, dans la hiérarchie des normes, est loin d’être le plus fort, rappelle le maire de Chamonix. Lui s’inquiète qu’un ministre décide de tout interdire au nom de la préservation du patrimoine. « Alors que l’on est sur quelque chose de fragile, la situation actuelle met en péril notre richesse naturelle et par extension l’activité de cristallier dans le massif du Mont-Blanc. »
 
 
Ce quartz dit fumé doit sa teinte à la radioactivité émise par le granite
Ce quartz dit fumé doit sa teinte à la radioactivité émise par le granite. © Eiman Cazé

Bibliographie

  • Le Règne minéral, Minéralogie du Massif du Mont-Blanc, 1999, hors série, Monistrol-sur-Loire: Edition du Piat, 80 p.
 
  • Le Règne minéral, Collectionneurs et Minéraux de France, 2011, hors série, Monistrol-sur-Loire: Edition du Piat, 148 p.
 
  • Merveilleux Minéraux, des musées de Chamonix-Mont-Blanc et du Bourg-d’Oisans, 2018, Monistrol-sur-Loire: Edition du Piat, 152 p.

 

 Source : Montagnes-Magazine

https://www.montagnes-magazine.com/actus-cristaux-roche-1-2-nouvelle-ruee-vers-or-fait-craindre-pillage-montagne

https://www.montagnes-magazine.com/actus-cristaux-roche-2-2-patrimoine-naturel-menace-guerre-prix-entre-collectionneurs

 

 

 

 

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